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Réseau Education Sans Frontières recense « LAMPEDUSA – Les portes du paradis ? »


Drapeau-Francais RESF recense notre article centrale du dossier sur l’immigration.

La petite île italienne de Lampedusa, située aux coffins de l’Europe et de l’Afrique est régulièrement sous le feu des projecteurs. Les sauvetages de bateaux de fortune remplis de migrants et les drames noircissent les pages des faits divers. Le dernier fait en date remonte à octobre 2013. Mais la réalité de cette île italienne se vit tous les jours. Comment les centres de rétention sont-ils gérés ? Focus sur une problématique quasi-insolvable.

par Charlotte Raniero (Azzura Magazine) – mercredi 2 avril 2014

Lampedusa : passage obligé

Lampedusa, petite île située à l’extrême sud de l’Italie entre la Sicile et la Tunisie, est l’une des haltes dans l’odyssée de milliers d’immigrés tentant de rejoindre l’Europe. Une majorité d’entre eux, cependant, ne voit jamais les côtes européennes. De part leurs conditions de voyage précaires, ils meurent noyés ou asphyxiés, de faim ou de soif, voire par empoisonnement. Le Printemps Arabe, le sous-développement économique ont tellement favorisé ces flux migratoires que les pays receveurs ont des difficultés à les canaliser tout en respectant les droits de l’Homme aux frontières. Le réseau Migreurop a très vite souligné l’insuffisance voire l’absurdité des politiques migratoires européennes.

L’Italie quant à elle, s’était embarquée dans une politique de refoulement assisté et dans une gestion d’enfermement des migrants d’une grande opacité. Depuis la création des CPT (Centri di permanenza temporanea, centres d’accueil temporaire) par la loi Turco-Napolitano de 1998, transformés en 2008 en CIE (Centri d’identificazione ed espulsione, centres d’identification et d’expulsion), le gouvernement italien a toujours manqué de transparence sur ce qui se passait à l’intérieur de ces camps. La mise à l’écart des centres Contrada Imbriacola (premiers secours) et Loran (accueil de demandeurs d’asile, femmes et mineurs) en est un exemple.

Les conditions de détention, le climat de violence, physique et psychologique qui règne dans ces CPT ont été mis en lumière par l’infiltration du journaliste de L’Espresso, Fabrizio Gatti qui s’est fait passer pour un Kurde émigré. Parti de Dakar, il rejoint Lampedusa suivant les pas d’autres émigrés pour « humaniser ces personnes qui se déracinent, et raconter leur histoire. Il fallait – dit-il – que je suive le fleuve depuis la source. Ces dernières années, l’ignorance a produit une grande propagande xénophobe en Italie ».

Les centres de rétention pointés du doigt

Lampedusa, porte du paradis ? Avec cet épisode journalistique le gouvernement italien décida de faire du camp de l’île une vitrine de la politique italienne de gestion des frontières maritimes. Le « modèle Lampedusa » prévoit un centre de premiers secours et d’accueil de 800 places, où les migrants ne sont censés transiter que quelques jours avant d’être transférés dans un centre de détention ou d’accueil fermé, en Sicile ou dans la péninsule. Ces centres peuvent en effet être efficaces que s’ils restent dans leur optique transitoire (3 à 5 jours) et non centres de rétention (20 jours et plus). Ainsi les CPT s’exposent à une surpopulation dangereuse et à une dégradation des conditions de vie. En 2009 le ministre de l’Intérieur de l’époque, Roberto Maroni, bloqua tout transfert vers les autres centres de la péninsule. Les renvois se font alors directement depuis Lampedusa.

Le nombre des débarqués ne laisse pas indifférent et encore moins celui des décédés en mer. Les récents faits d’octobre 2013 en sont des preuves irréfutables. Toutefois la garantie de la sécurité et des premiers soins n’est pas toujours respectée. Des émigrés se sont cousus à vif la bouche en signe de protestation contre leurs conditions de détention.

La complexité du problème réside surtout dans le fait que le système D a pris l’ascendant sur les mesures politiques européennes. Alors que des lois interdisent des interventions de sauvetage à quelques mètres des rives de Lampedusa, certains n’hésitent pas à se jeter à la mer pour sauver des vies et empêcher que les drames ne se succèdent. À l’heure où l’Europe fait preuve de désunion, quelle est la place de la conscience civile ?

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